Maîtriser la vague Omnibus: une approche pragmatique de l’évolution du reporting ESG
juillet 17, 2025 •ESGeo
Un nouvel horizon pour le reporting de durabilité
Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté la première proposition législative « Omnibus », visant à simplifier et rationaliser le cadre réglementaire du reporting en matière de durabilité. Cette initiative a pour objectif de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises, en particulier les PME, et de promouvoir une approche plus proportionnée de la collecte et de la communication des données ESG.
L’objectif de l’Omnibus est clair : simplifier sans démanteler. Il vise à rendre le reporting en durabilité plus accessible, gérable et en phase avec les réalités opérationnelles des entreprises européennes, sans pour autant compromettre la transparence ni la responsabilité.
Approbation du Parlement européen
Le 1er avril 2025, le Parlement européen a approuvé une procédure d’urgence pour accélérer l’adoption de la directive Omnibus. Ce vote marque une étape clé vers la directive dite « Stop-the-clock », qui prévoit:
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Le report de deux ans de l’application de la CSRD pour les entreprises des phases 2 et 3 (celles devant commencer à publier en 2026 et les entreprises non européennes).
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Le report d’un an de l’application de la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) pour les grandes entreprises.
La confirmation officielle est intervenue le 3 avril 2025, avec un large soutien majoritaire au Parlement. Cette décision témoigne de l’engagement de l’UE à offrir aux entreprises un délai suffisant pour s’adapter aux nouvelles réglementations et mettre en place des processus solides de reporting ESG.Les trois phases d’Omnibus: simplification, progressivité, pragmatisme.
Les trois phases d’Omnibus: simplification, progressivité, pragmatisme
Le paquet se déploie en trois phases clés:
1. Stop the Clock
Suspension temporaire de l’obligation de reporting pour une large part des entreprises européennes, via le report de la mise en œuvre de la CSRD pour les entités des phases 2 et 3. Cela crée une fenêtre d’opportunité pour se préparer de manière structurée.
🌊 Phase 1 – En vigueur depuis 2024
Entités d’intérêt public de plus de 1 000 salariés (sociétés cotées, banques, assureurs). Ces entreprises publient déjà des rapports conformément aux ESRS (Normes européennes de reporting en matière de durabilité). (European Sustainability Reporting Standards).
🌊 Phase 2 – Reportée à 202
Grandes entreprises non cotées répondant à au moins deux des critères suivants:
- Plus de 500 salariés
- Plus de 50 M€ de chiffre d’affaires
- Plus de 25 M€ d’actifs totaux
📆 Premier rapport en 2028 (exercice 2027).
🌊 Phase 3 – Reportée à 2029
PME cotées répondant à deux des critères suivants
- Plus de 10 salariés
- Plus de 700 000 € de chiffre d’affaires
- Plus de 350 000 € d’actifs
📆 Premier rapport en 2029 (exercice 2028).
2. Moins de CSRD
La Commission propose d’alléger certaines exigences:
- Suppression des normes sectorielles obligatoires
- Suppression de l’obligation d’assurance raisonnable
- Allègement des obligations sur la chaîne de valeur
- Nouveaux seuils et plus de flexibilité pour les PME
3. ESRS et taxonomie simplifiés
Les ESRS sont réajustés pour éviter les redondances avec d’autres régulations européennes (CBAM, CSDDD). Un cadre VSME volontaire est introduit pour les PME non cotées, avec des normes allégés, facilitant une adoption progressive tout en maintenant la transparence.
Les entreprises ne ralentissent pas: la dynamique ESG se poursuit
Malgré le ralentissement réglementaire, de nombreuses entreprises n’appuient pas sur pause. Bien au contraire, elles saisissent cette période comme une opportunité pour consolider leurs processus, optimiser la collecte de données, renforcer leurs équipes durabilité et approfondir le dialogue avec leurs parties prenantes.
Notre expérience auprès de plus de 150 entreprises le confirme: le reporting ESG dépasse le simple enjeu de conformité. Il constitue un véritable outil stratégique de gestion des risques et de création de valeur.
Une approche pragmatique pour surfer sur la vague
Ce n’est pas le moment de se précipiter, mais de poser les fondations d’un cadre stratégique solide. L’approche recommandée repose sur trois leviers:
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Collecte de données agnostique: construire un référentiel aligné sur les ESRS et compatible avec la VSME, pour une évolutivité progressive.
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Matérialité raisonnée: appliquer avec rigueur le principe de double matérialité, en justifiant toute exclusion (thèmes, indicateurs, points de données) à l’aide de critères clairs, documentés et transparents. Évitez de surévaluer les sujets non matériels et privilégier une analyse approfondie des impacts sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
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Préparation continue - ni précipitation, ni pause: le report actuel s’inscrit dans une logique réglementaire, sans remettre en cause la dynamique opérationnelle. Cette période représente une opportunité stratégique pour finaliser la gouvernance ESG, engager les fournisseurs, renforcer la formation du management intermédiaire et cadrer précisément le périmètre de reporting.

Conclusion: Le temps gagné est une valeur à investir
Le paquet Omnibus, en particulier son approbation rapide par le Parlement, marque une nouvelle phase : moins de pression réglementaire immédiate, plus d’espace pour la qualité et la stratégie.
Les entreprises tournées vers l’avenir investissent déjà dans cette transformation. La durabilité n’est pas seulement une obligation, c’est un facteur de différenciation, un levier d’attractivité et une source de résilience.
Comme l’a rappelé Mario Draghi:
« Nous devons pleinement mettre en œuvre la réduction des obligations pour les PME. »
Mais mettre en œuvre ne signifie pas ralentir - cela signifie faire mieux, avec moins.